L'Anses vient de
publier des résultats alarmants : une activité sportive insuffisante et
une hausse du temps passé sur les écrans conduisent deux tiers des 11-17
ans à un niveau de risque sanitaire élevé. Paul Jacquin, pédiatre à
l'unité de médecine de l'adolescent à l'hôpital parisien Robert-Debré,
parle d'une tendance amplifiée par la situation actuelle.
«Le confinement est un désastre pour le temps passé par les ados sur les écrans»
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) tire la
sonnette d’alarme : les jeunes Français ne bougent pas suffisamment et
passent trop de temps sur leurs écrans. D’après les derniers résultats
d’une évaluation des risques sanitaires,
publiés ce lundi, deux tiers des adolescents de 11 à 17 ans présentent
un risque sanitaire préoccupant, et 49% un risque très élevé.
L’inactivité physique et la sédentarité favorisent l’obésité, le
surpoids, et altèrent la qualité de vie. Paul Jacquin, pédiatre à
l’unité de médecine de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré, à Paris,
décrypte ces résultats pour Libération. D’après lui, la
tendance est structurelle – l’Anses alertait d’ailleurs déjà les
autorités en 2016 – mais amplifiée par le confinement.
La sédentarité et l’inactivité physique trop
importantes chez les adolescents s’ancrent-elles dans une tendance
générale profonde, ou est-ce accentué par le confinement ?
Les chiffres de l’activité physique en France sont mauvais, de
manière générale. Notre pays est très mal classé : une étude de 2019 sur
l’activité sportive des jeunes menée par l’OMS dans 146 pays mettait la
France en 119e position.L’activité
physique des jeunes est insuffisante, la sédentarité excessive, avec des
risques importants de développement de l’obésité. Ce n’est pas un
phénomène ponctuel lié au confinement, mais structurel. 40% de garçons
et 20% de filles répondent à l’heure d’activité physique par jour
préconisée. Ces chiffres demeurent, malheureusement, assez stables
depuis longtemps.
En revanche, on a constaté pendant nos consultations que la situation
des jeunes déjà obèses s’aggravait considérablement, avec des prises de
poids de plus de 10 kilos. Les cas d’obésité morbide augmentent.
Les mauvais résultats sur l’activité physique sont chroniques, avec
une nouveauté toutefois, imposée par le confinement : on relève, cet
automne, des baisses d’inscriptions de 30 à 40% dans les fédérations
sportives, par rapport à l’an dernier. Cela va amplifier le phénomène de
sédentarité pour l’année. Les familles ne paient plus de clubs de sport
qui risquent de s’interrompre au bout de deux semaines, et exposent
ainsi leurs enfants à une absence d’activité physique.
Quels sont les risques pour ces adolescents ?
L’absence d’activité physique et la sédentarisation favorisent
l’obésité, et tous les risques liés à celle-ci. Par exemple, la
sédentarité est un facteur direct d’augmentation du risque de diabète de
type 2. Les pathologies cardio-vasculaires n’apparaissent pas à
l’adolescence, mais peuvent être une conséquence tardive. On sait que
les comportements adolescents changent peu, ils sont un marqueur de leur
vie d’adulte. Les adolescents sédentaires qui ne pratiquent pas de
sport conserveront le même mode de vie et les mêmes réflexes à l’âge
adulte. Les maladies cardio-vasculaires commenceront à apparaître d’ici
une quinzaine d’années.
Ce qui est nouveau et préoccupant, c’est le temps d’exposition aux
écrans, qui a énormément augmenté. A cet égard, le confinement est un
désastre. Certains jeunes passent entre quatorze et seize heures par
jour devant leurs écrans, ce qui laisse peu de place à d’autres
activités. Il est très difficile d’atterrir et de reprendre un rythme de
vie normal. Car la sédentarité entraîne des changements importants.
Pendant le confinement, le rythme de vie familial des adolescents a été
bouleversé, voire complètement inversé : certains de mes patients
vivaient la nuit par exemple, pour ne pas croiser leurs parents, et ont
complètement déréglé leur rythme de vie. Heureusement que l’on a gardé
l’obligation scolaire au deuxième confinement ! Mais cela reste très
difficile de reprendre des habitudes saines.
Comment améliorer la situation ?
Il faut éviter tout catastrophisme. Il n’y a rien de fondamentalement
nouveau, hormis le temps passé devant les écrans, sur lequel nous
devons réfléchir. Nous ne manquons pas d’argument pour promouvoir
l’activité physique auprès des jeunes, qui restent soucieux de leurs
silhouettes. Leurs sports préférés sont la boxe et la musculation, ce
n’est pas tout à fait un hasard.
En revanche, réduire le temps quotidien d’exposition aux écrans est
une bataille familiale. Aux parents et aux institutions d’insister :
limiter le nombre d’heures en continu, interdire le portable au collège,
ne pas offrir de tablette à un enfant de 18 mois. Certains jeunes
souffrent déjà d’addiction.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire